L'histoire commence avec la réalisation d'une photo de têtes de merlans, qui met en scène l'idée d'une accumulation autour de la figure de l'oeil. Ces têtes de poissons, copiées-collées à l'infini, sans ordre apparent, possèdent en leur centre cet oeil brillant, à la fois expressif et totalement vide de regard.
Quelques temps après, Juliette Berny rencontre, à travers la vitre d'une boutique parisienne, des centaines d'yeux de poupées et commence à les photographier. Cette fois, elle organise leur présence, rangés les uns à côté des autres, dans le même sens. Leur regard absent mais interrogateur fixe le
spectateur, simplement troublé par le mouvement de fermeture de l'un d'eux. Cette paupière, close, rose, devient le point focal de ce groupe d'yeux bleu glacier.
Toujours en suivant cette idée d'accumulation, Juliette Berny travaille ensuite à partir d'une boîte d'aiguilles. Elle les manipule, les assemble, les disperse et crée, à partir de ce matériau métallique particulier, une série de photos.
Puis, c'est la rencontre entre les yeux de poupée et les aiguilles. Et, très vite, les aiguilles forment comme un nid d'où surgit l'oeil, au creux de son cerclage de métal. Ou encore, elles deviennent couronne, comme un rayonnement, qui met en valeur l'oeil placé au centre, ce qui n'est pas sans rappeler certaines représentations du Roi-Soleil.
Présentée en masse, l'aiguille, par sa forme et sa matière, est un faire-valoir pour l'oeil-objet. Mais elle figure aussi un danger potentiel, elle peut le percer, le réduire à néant, en faire une chose morte et aveugle.
Cette tension, visuelle, physique et profondément matérielle est au coeur de cette série de photographies de Juliette Berny, et se trouve encore renforcée par l'utilisation d'un fond et d'une lumière les plus neutres possibles et par le choix d'une prise de vue en macro. |
Juliette Berny est photographe autodidacte, née en 1984. Elle a débuté la photographie naturellement durant son enfance. Les yeux rivés vers le ciel, elle collectionnait les photos de nuages… Quelques années plus tard, après avoir fait des études en environnement, l'outil photographique s'impose de
nouveau à elle, comme une évidence. Elle l'emploie autant dans la sphère professionnelle, en tant que géographe, que dans la sphère intime. Il en découle des séries sur des ateliers d'artistes, sur les coulisses de la scène musicale, sur l'évolution des paysages. Elle décroche un 1er prix au concours Fnac
région Ile-de-France avec sa série Insolitude Palmipède. Elle est par la suite acceptée sur les bancs d'une école de photo parisienne pour un an. Parallèlement, le collectif de photographes « La Clic» l'accueille. Aujourd'hui Juliette est auteur-photographe. Toujours la tête dans les nuages, Juliette a trouvé un outil d'expression privilégié où l'onirisme, l'abstraction et la poésie se mêlent.
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