De la ferme des Granges à la ferme de Vauve, un trajet quotidien rythmé par le rougeoiement de l'automne, les labours, le vert des premières pousses de blé, l'odeur du colza, la moisson, la majesté des tournesols. C'était hier. Demain, le même ruban de bitume mènera de « l'écoquartier » Camille Claudel à Horiba, en passant par Danone Research, Thales, Institut d'Optique Graduate School, EDF, Nano'Innov. Depuis cinq ans, je pars seule avec mon appareil photo à la recherche de poésie dans cet entre-deux-mondes. Seule pour faire émerger des fragments de souvenirs disloqués.

Corinne Donzaud habite au Parc d'Ardenay à Palaiseau depuis 10 ans. De ses voyages en Amérique Latine et en Asie, elle a rapporté pléthore de diapossouvenirs de paysages et de sociétés traditionnelles. En 2004, elle achète un compact Ixus. Petit compagnon blotti dans sa poche, elle l'embarque sur les falaises de Madagascar. Avec de fabuleux souvenirs, elle revient enchantée par la liberté qu'offre le numérique. Le Nikon 80, sublime cadeau de ses 40 ans, l'a d'abord fait pleurer. Un objet aussi fragile et magnifique ! Pour elle ? Peu à peu, l'appréhension a fait place à la découverte. Elle s'inscrit au Photo-Club de la MJC de Palaiseau à la rentrée suivante et plonge dans un nouvel univers. Elle y présente ses premières images, sur la destruction de la SFIM (une entreprise de Palaiseau). Entrer par effraction dans ce chantier, voir la grue démolissant la maison en meulière à deux pas : l'adrénaline est au rendez-vous. Le souffle est coupé. Le désir de témoignage et un sentiment d'urgence s'installent et guident désormais sa pratique photographique : immortaliser rapidement ce qui va disparaître, que ce soit une usine palaisienne, les sociétés animistes en Indonésie ou les terres du plateau de Palaiseau.